La pluie

Sur le pont gris derrière les larmes du ciel, passent hommes et femmes. Foule indistincte, petits pieds parcourant le sol, glissant en cadence, machinalement, anonymement, musicalement – peut-être. Si l’on veut. Tout dépend de la mélodie recherchée. Toc toc toc toc. Je passe, tu passes, nous passons. Les uns derrière les autres, les uns avec les autres, les uns sans les autres. Nul n’est tenu responsable de l’autre, chacun est cependant conscient des autres. La disparition d’un seul élément déséquilibrerait l’ensemble, un trou béant adviendrait irrémédiablement. De ce trou béant jaillirait l’eau, assurément. Geyser envahissant, ne laissant plus d’espace à l’air. L’ensemble noyé par le vide créé par le manque d’un seul. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé… Chaque particule a son importance et constitue un maillon indispensable de la vaste trame humaine. Ce long défilé –tel des corbillards passant sans tambours ni musique- inscrit, dessine des chemins, des trajectoires, tantôt statiques, tantôt dynamiques, que chacun connaît, reconnaît ou découvre, comme étant la sienne, seule et unique. Mais il arrive parfois, souvent, voire tout le temps, que chacun suive une trajectoire qu’il n’a pas vraiment choisie. Automatiquement, il avance. Ses pas le guident vers un ailleurs familier. Si les apparences changent, l’air est connu, reconnu. S’il fut bon, il le demeure. S’il était toxique, il ne change pas. L’inconnu, n’étant pas reconnu, il ne peut pas être choisi. L’inconnu est comme invisible puisque non intelligible, il demeure indéchiffrable. A moins, d’apprendre à lire une nouvelle langue. Tache ardue mais salutaire, seule garante du bonheur, à moins de posséder déjà une langue heureuse en héritage !

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